Consigne : Québec veut aboutir cet automne

Le dossier de la consigne n’en finit plus de finir mais assez c’est assez!… vient de lancer Québec.

David Heurtel, ministre de l’Environnement, annonçait il y a quelques jours la création d’une table de travail regroupant les principaux intervenants de l’industrie afin de s’entendre sur une réforme de la consigne.

Son objectif : aboutir à une réforme du système actuel qui date de 30 ans et ce, dès l’automne prochain, soit un an avant l’échéance électorale de 2018.

Les enjeux sont énormes et le système est des plus complexes. Il englobe :

  • différents types de contenants : bouteilles à remplissage multiple (bière) et unique (boissons gazeuses, jus, eau, vins et spiritueux);
  • différents matériaux : aluminium, plastique, verre (brun, vert, transparent, etc.);
  • différents modes de récupération : consigne (où l’on doit rapporter le contenant) ou bac bleu (où l’on dépose le contenant chez soi).
D’abord très farouchement pro-consigne, le ministre David Heurtel a su mettre de l’eau dans son vin avec les années sans jamais renier toutefois sa profonde conviction que l’extension de la consigne fait partie de la solution. (Photo : PLQ)

Le nombre de parties prenantes affectées est ahurissant : il comprend ceux qui fabriquent les bouteilles et canettes (verre, plastique et aluminium), ceux qui mettent du liquide dedans (brasseur, compagnies de jus, d’eau et de boissons gazeuses), ceux qui les distribuent et les vendent aux consommateurs (les détaillants), ceux qui les recyclent et les transforment, ceux qui les achètent pour les réutiliser… bref, comme on dit, ça fait pas mal de monde à la messe.

Or, tout ce beau monde s’est plus ou moins séparé en deux camps farouchement opposés :

  • Les PRO-CONSIGNE, qui comprend l’industrie qui achète les matériaux recyclés et recherche une matière de meilleure qualité ainsi que les environnementalistes qui jugent que la consigne est la meilleure approche pour que les contenants soient récupérés;
  • Les PRO-BACS, qui comprend les détaillants, recycleurs et aussi, producteurs de contenants, qui paient déjà cher pour le système actuel de récupération de bac bleu (ou vert, c’est selon) et qui souhaitent continuer de valoriser celui-ci pour en contrôler les coûts à long terme.

La SAQ, pour sa part, souhaite conserver son privilège actuel, soit de rejeter dans la nature des millions et millions de bouteilles de verres sans avoir à verser une seule goutte de sueur à les récupérer.

Le dilemme est le suivant : le gouvernement penche nettement du côté de la consigne car, comme les environnementalistes, il souhaite lui aussi réduire les contenants qui se ramassent dans la nature. Sauf que c’est lui qui a instauré, dans les années 2000 et à grands frais pour l’industrie, un système de récupération par le biais de bacs bleus à la grandeur de la province, bien implanté et financé à 100% par le privé, de sorte qu’opter pour la consigne viendrait affaiblir ce dernier. Et ce, sans compter toute la chaîne de transformation qui s’est développée en aval du bac bleu et qui dépend de la valeur de cette matière pour grandir, investir et se développer.

Pour les dépanneurs, l’enjeu est important et leurs récriminations nombreuses, car ce sont eux qui portent la consigne, pourrait-on dire, à bout de bras.

La consigne est en effet un véritable fardeau… qu’on en juge :

  • elle oblige à percevoir et remettre la consigne et comptabiliser le tout;
  • elle oblige à manipuler des contenants souvent sales ou remplis de saletés (insectes, mégots…);
  • elle oblige à entreposer les contenants par catégories, ce qui prend beaucoup d’espace d’entrepôt et d’arrière-boutique;
  • elle oblige à coordonner la remise aux distributeurs et ou récupérateurs… quel ouvrage et quels coûts!
La récupération de bouteilles de bière prend énormément d’espace pour pouvoir classer les différents types de bouteilles (verre vert comme Heineken, brun, transparent comme Corona, selon les marques, les formats de micro-brasseries, etc.).

Dans un sondage réalisé en avril 2015 par le firme Segma Recherche pour le compte de l’Association québécoise des dépanneurs en alimentation (AQDA), 544 propriétaires et gestionnaires de dépanneur se sont prononcés sur la question.

  • Les dépanneurs disent consacrer en moyenne 7,2 heures par semaine à s’occuper de la consigne. Cela représente donc environ 95 $ en salaire par semaine, ou encore 5 000 $ par année;
  • La majorité, soit 45 %, disent récupérer plus de bouteilles qu’ils en vendent, contre 26 % qui disent en récupérer moins;
  • Pour plus du tiers des dépanneurs (36 %), la consigne est une activité déficitaire, tandis que 11% seulement estiment qu’elle est rentable;
  • Bonne ou mauvaise? Les dépanneurs sont divisés : 48 % disent qu’elle est un problème, 45 % qu’elle attire des clients;
  • Toutefois, une vaste majorité, soit 69%, sont en faveur de son abolition au profit du bac bleu;
  • Les détaillants voudraient en outre que la compensation rachitique actuelle de 2 sous le contenant (et jamais haussée depuis 30 ans) soit augmentée de 5 sous pour totaliser 7 sous par contenant.

Compte-tenu de la petitesse des dépanneurs, il va sans dire que les coûts supportés sont proportionnellement beaucoup plus élevés pour eux que pour les supermarchés et autres grandes surfaces.

Parmi le fouillis réglementaire dans lequel baigne les dépanneurs, la consigne occupe donc une place de choix. Il reste à espérer que la réforme à venir va permettre de simplifier les opérations et surtout, de mieux partager les coûts entre les dépanneurs et les autres détaillants.

Pour l’instant, ce sont bel et bien les 6 500 dépanneurs qui se tapent une bonne partie du travail et tout cela, pour un misérable 2 sous par contenant qui n’a jamais été indexé depuis 30 ans.

Le gouvernement ne se gêne pas, lui, d’indexer ses permis à chaque année! Alors pourquoi  ne pas faire de même pour le montant compensatoire versé aux dépanneurs?

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