EXCLUSIF — La toute 1ère employée de Couche-Tard ne tarit pas d’éloges envers ses ex-patrons

Ce n’est pas donné à tout le monde d’être la première personne engagée par une entreprise en démarrage appelée à connaître un véritable succès mondial.

Et encore moins lorsqu’il s’agit d’Alimentation Couche-Tard, la plus grande société canadienne de tous les temps avec ses 60G$ de revenus annuels, ses 16000 magasins et ses 125000 employés!

Mais il y a un début à tout et c’est ici qu’entre en scène Diane Leroux-Rondeau, secrétaire de métier et jeune mariée à la recherche d’un nouvel emploi.

En 1985, cette femme dynamique alors âgée de 25 ans, affable et souriante, a eu la chance inouïe d’être embauchée comme secrétaire de ce qui allait devenir Couche-Tard à son premier bureau de Laval et ainsi, d’oeuvrer au quotidien pendant cinq ans au coeur du noyau d’entrepreneurs le plus talentueux de l’histoire canadienne, qui vont ensemble réaliser un succès phénoménal à la grandeur de la planète.

Aujourd’hui dans la cinquantaine et vivant à St-Liguori, près de Joliette, elle éprouve une très grande fierté d’avoir été aux premières loges de la gestation de cet empire international.

Avec candeur et transparence, elle a accepté de partager quelques souvenir de ses cinq ans dans l’enfance de Couche-Tard et de livrer sans filtre ses impressions à DepQuébec.

Ce témoignage unique et de première main lève le voile sur le climat qui régnait au coeur d’un embryon de conglomérat en plein balbutiement, ne comptant alors tout au plus qu’une vingtaine de magasins.


ENTREVUE AVEC DIANE LEROUX-RONDEAU, PREMIÈRE EMPLOYÉE DE COUCHE-TARD INC.

DepQc: Diane, qu’est-ce qui vous a amené à travailler au siège de Couche-Tard en 1985?

DLR: Ah, ça c’est vraiment exceptionnel. À l’époque je travaillais au Trust Royal à Laval mais j’étais tannée et je me cherchais un autre emploi. Je suis tombée sur une annonce qu’ils avaient fait paraître pour recruter une secrétaire. C’était une nouvelle compagnie et je trouvais ça parfait pour moi. Je voulais faire autre chose que travailler dans une banque. J’étais parfaite pour le poste puisque j’avais de l’expérience et de la formation en secrétariat.

DepQc: Donc vous travailliez déjà à Laval et cherchiez un poste dans le coin.

DLR: Oui. Le bureau de Couche-Tard était au 1600 boul. Saint-Martin à Laval. Je suis allée là-bas et passé une entrevue avec Richard Fortin et Alain Bouchard, qui s’est joint un peu après. Ça a super bien été.  On m’a dit que j’aurais des nouvelles dans une semaine, mais finalement, rien. Alors j’ai rappelé Richard Fortin après une semaine et dit: « bon, j’ai passé une entrevue il y a une semaine, je devais avoir des nouvelles et personne ne m’a appelée ». Il m’a répondu: « oui, effectivement, attendez une minute ».

« Là, il s’en va faire je ne sais pas quoi, revient et dit : « bon bien, finalement, c’est vous qu’on a choisi ». Alors j’ai dit: « Ah oui? Ah bien merci, c’est le fun! » J’ai su par après qu’on était deux candidates pour le poste et qu’ils ne savaient pas laquelle choisir. Mais le fait d’avoir rappelé ce jour-là et montré que j’avais l’air intéressée, ça les a convaincu et ils m’ont choisi. »  — Diane Leroux-Rondeau

DepQc: Elle est bien bonne celle-là!

DLR: J’ai trouvé ça spécial. Cette expérience-là, je la raconte souvent à ceux qui hésitent. Je leur dit : rappelle! Montre que tu es intéressé. Tu vas voir, ça peut être une chance pour toi.

DepQc: Et comment ça s’est passé quand vous êtes arrivée?

DLR: Très mal. J’étais tellement nerveuse la première journée que j’ai fait une vilaine chute dans la salle de bain, tête première! J’ai dû porter des lunettes de soleil pendant une semaine pour cacher mes deux yeux au beurre noir (rires). Mais après, tout a bien été.

En 1985, l’équipe d’Alain Bouchard occupait un modeste bureau dans cet édifice du 1600 boul. Saint-Martin à Laval. Couche-Tard conservera ces bureaux en y occupant de plus en plus d’espace jusqu’à la construction de son nouveau siège social à Laval au tournant de la dernière décennie.

SEULE AVEC LES TROIS PREMIERS FONDATEURS

DepQc: Alors, on se trouve en 1985, l’année où Alain Bouchard a réalisé à sa première grosse acquisition, soit 11 dépanneurs Couche-Tard à Québec, d’où vient le nom. Êtes-vous arrivée juste avant?

DLR: Quand je suis arrivée, il y avait 17 dépanneurs, je m’en souviens très bien.

DepQc: Donc, c’était juste avant l’acquisition de Québec. Vous étiez combien au bureau, en tout?

DLR: On était juste nous. Les trois patrons, les deux conjointes et moi. La femme d’Alain Bouchard m’a formé au début et puis à un moment donné, elle s’est effacée.

« Il y avait Alain Bouchard, Richard Fortin et Jacques d’Amours. L’ex-conjointe de M. Bouchard travaillait au bureau comme secrétaire à temps partiel tandis que la femme de Jacques d’Amours, Claudine, s’occupait de la comptabilité. C’est tout. » — Diane Leroux-Rondeau

DepQc: Incroyable! Vous avez été la première personne de l’extérieur à travailler avec le noyau fondateur.

DLR: Oui. Il y avait bien sûr aussi les franchisés, mais c’était pas mal ça.

DepQc: Réal Plourde n’était pas là en 1985?

DLR: Non. Il est arrivé au bureau après. En 1987 je dirais, mais il n’était pas là au début.

NDLR: Réal Plourde est devenu partenaire de l’entreprise en 1984 et selon les souvenirs de Mme Leroux-Rondeau, il n’aurait joint le bureau administratif à temps plein que quelques années plus tard.

Veste souvenir qu’a conservé Diane Leroux-Rondeau de cette époque. Le logo Couche Tard se démarquait par un somnanbule et faisait référence à l’émission populaire « Les Couche Tard » animée par Jacques Normand dans les années 1960.

PROMUE SECRÉTAIRE D’ALAIN BOUCHARD

DepQc: Et qu’est-ce que vous faisiez comme travail?

DLR: Je faisais du service à la clientèle, du travail interne, des lettres, des courriers à envoyer. Répondre au téléphone, réceptionniste, à peu près ça.

DepQc: Mais vous avez rapidement monté en grade, en devenant secrétaire de direction.

DLR: Oui, exactement. Je suis devenue avec le temps la secrétaire de direction d’Alain Bouchard. J’assistais aux réunions, je faisais des compte-rendus, c’était un peu ça. Pendant que j’étais là, ils ont acheté Perrette, la Maisonnée, Réal Plourde est arrivé, ça s’est agrandi.

DepQc: Vous avez été l’adjointe d’Alain Bouchard longtemps?

DLR: Oui, pendant tout le temps que j’étais là.

DepQc: C’était comment de travailler à ses côtés dans ce temps-là?

DLR: Ah, c’était super. Un homme vraiment gentil, attentionné, à l’écoute de ses employés. En fait d’employés, il y avait juste moi à l’époque, soit pas grand monde (rires). Mais c’est un homme vraiment posé, réfléchi et gentil.

DepQuébec: Faisiez-vous de longues heures?

DLR: Je travaillais de 9 à 5, du lundi au vendredi. Je n’avais pas à faire de temps supplémentaire.

DepQc: Aviez-vous une bonne complicité avec Alain Bouchard?

DLR: Oui! Je me souviens qu’à un moment donné, en octobre, j’ai organisé une fête surprise pour les 30 ans de mon conjoint. Quand il m’a demandé en blague pourquoi il n’était pas sur la liste d’invités, je lui ai dit que je n’invitais pas les vieux, ce qui l’a bien fait rire! Il y avait une belle ambiance au bureau, toujours très cordiale.

NDLR : Les trois premiers fondateurs étaient objectivement jeunes à l’époque. En 1985, Alain Bouchard et Richard Fortin avait 36 ans tandis que Jacques d’Amours n’en avait que 28. Diane Leroux-Rondeau, pour sa part, n’avait que 25 ans.

CROISSANCE FULGURANTE DE COUCHE-TARD

DepQc: Quand vous êtes arrivée, vous étiez juste cinq, mais quand vous êtes partie, cinq ans plus tard, vous deviez être pas mal plus nombreux, non?

DLR: Oui, absolument. On était beaucoup plus, une vingtaine environ. Des bureaux s’étaient rajoutés, des directeurs d’opération, une réceptionniste. Quand je suis partie, ils étaient rendus au dessus de 200-300 dépanneurs.

DepQc: Ça vous fait quoi de savoir aujourd’hui que vos anciens patrons sont tous devenus milliardaires?

DLR: Ah vraiment, je suis contente pour eux.

« Ils sont partis de rien. Ils ont travaillé tellement fort pour arriver là où ils sont. Ils ont été consciencieux, à leur affaire. Ça n’a pas été facile souvent avec les franchisés, plusieurs étaient parfois mécontents. Moi je partais à 17h mais eux, ils restaient souvent au bureau jusqu’à plus tard en soirée. » — Diane Leroux-Rondeau

DepQc: Étiez-vous là quand Couche-Tard est entrée en bourse?

DLR: J’étais là, et moi aussi j’avais investi, j’avais des actions à la bourse. Mais je ne les ai pas gardées, je les ai vendues quand je suis partie. Je ne suis pas trop versée dans ces choses-là, alors j’ai préféré m’en défaire.

L’année suivant l’arrivée de Diane Leroux-Rondeau, en 1986, Alain Bouchard réalisait un premier appel public à l’épargne sous le nom d’Alimentation Couche-Tard. Plus tard, une seconde entité entrait aussi en bourse, appelée Actidev. La couverture du rapport annuel de cette société en 1989 montrait Diane Leroux-Rondeau, à qui on avait demandé d’organiser l’assemblée annuelle, ainsi que deux de ses collègues. Le rapport nous apprend qu’en plus des 140 dépanneurs Couche-Tard, Actidev exploitait une division de lentilles optiques, de recyclage de téléphones résidentiels et de système de prévention contre le vol à l’étalage. Le conseil d’administration était alors formé des quatre fondateurs qui sont d’ailleurs toujours en poste, 30 ans plus tard. C’est en 1994 qu’Actidev fut privatisée et renommée Alimentation Couche-Tard (source : ici).

DepQc: Ça vous a fait quoi d’entendre parler des succès de Couche-Tard par la suite, depuis votre départ en 1990?

DLR: Je suis vraiment fière.  J’aime dire que j’étais là dans les tout débuts, comme première secrétaire de la compagnie. En fait, la première secrétaire a été l’ex-femme d’Alain Bouchard, mais c’était sa conjointe, tandis que moi, j’ai été la première secrétaire engagée de l’extérieur.

PREMIÈRE EMPLOYÉE DE BUREAU À VIE DE COUCHE-TARD

DepQc: Non seulement la première secrétaire, mais aussi la première employée administrative de l’histoire de Couche-Tard, point final.

DLR: Oui, vraiment. Parce qu’il n’y avait pas personne d’autre, et c’était tout.

DepQc: Diane, réalisez-vous que vous avez été la première employée d’une société qui en compte 125000 aujourd’hui?

DLR: C’est spécial quand on pense à ça. C’est sûr qu’il y avait des dépanneurs et des employés dans les dépanneurs déjà, mais la première employée de bureau, c’est moi.

DepQc: Pourquoi selon vous Couche-Tard a-t-il si bien réussi? Est-ce principalement dû aux qualités d’Alain Bouchard et de ses associés?

DLR: Je crois que ce sont les quatre ensemble, ils forment une super bonne équipe. Alain Bouchard était le patron, Jacques d’Amours et Réal Plourde s’occupaient des opérations et Richard Fortin était aux finances.

DepQc: Et depuis que vous avez quitté en 1990, vous les avez revu une fois c’est bien ça?

DLR: Oui. Une fois, il y a 20 ans environ, je suis passée les voir à l’improviste. Alors j’arrive à la réception — ce n’était plus pareil : ils occupaient deux ou trois étages de l’édifice où je travaillais — je me présente et je demande à rencontrer Alain Bouchard, en disant que j’ai déjà travaillé ici et que j’aimerais ça le voir.  Dès qu’il a entendu mon nom, il est sorti de son bureau et est venu me jaser un bon 15-20 minutes. Je suis allée voir Richard Fortin et j’ai fait un coucou à Réal Plourde.

DepQc: Réalisez-vous que vous êtes une des très rares personnes à avoir travaillé dans les tout débuts d’un start-up qui est devenu un géant mondial par la suite?

DLR: Ça m’a tellement impressionnée qu’ils se soient rendus si loin, mais ça ne me surprend pas non plus, car ils forment une si bonne équipe.

DepQc: Et vous avez gardé une excellente estime de votre ancien patron?

DLR: Alain Bouchard a toujours été très sympathique : il savait ce qu’il voulait et il avait beaucoup d’idées de marketing. Quand ça ne faisait pas son affaire, il le disait bien sûr, Richard Fortin aussi. Jacques d’Amours, pour sa part, était plus réservé. Quant à moi, j’ai toujours été bien traitée, ils me respectaient énormément.

DÉPART EN 1990, EN PLEINE ASCENSION

DepQc: Pourquoi êtes-vous partie alors, en 1990?

DLR: Je suis partie parce que je suis tombée enceinte de mon deuxième enfant et que je voulais arrêter de travailler pour m’en occuper. En plus, on a déménagé près de Joliette cette année-là pour le travail de mon mari et ça aurait été trop compliqué de faire le voyagement.

DepQc: Étaient-ils déçus de vous voir partir?

DLR: Je crois que oui. Ils m’ont fait un gros shower de départ et comme j’étais enceinte, ils m’ont donné une chaise longue. J’étais tellement contente!

DepQc: Connaissant Alain Bouchard, il vous aurait sans doute gardé longtemps à ses côtés si vous étiez restée. Vous auriez pu avoir une méchante carrière!

DLR: C’est vrai, mais disons que j’étais rendue ailleurs dans ma vie et ils l’ont bien compris. Je les admire pour ça parce que oui, je suis certaine qu’ils m’auraient gardé. Comne l’adage le dit: qui prend mari prend pays! J’ai suivi mon homme et je ne regrette rien!!

Malgré qu’elle aurait pu connaître une carrière riche et féconde auprès de l’équipe d’entrepreneurs la plus talentueuse au pays avec qui elle s’entendait à merveille et qu’elle demeure très fière de leur succès, Diane Leroux-Rondeau aura finalement choisi une vie simple à la campagne toute axée sur sa famille, un choix qu’elle n’a jamais regretté. On la voit ici comblée de bonheur avec son petit-fils Félix.

DepQc: Vous avez donc choisi l’amour et la famille plutôt que la carrière, le succès et l’argent?

DLR: Ça doit! Comme on dit, l’argent ne fait pas toujours le bonheur! Mais moi, j’ai trouvé le bonheur à la campagne avec mon mari et mes enfants et maintenant, avec mes petits enfants dont je suis très fière. Et en plus, je suis la première secrétaire à mon emploi (à trois minutes de la maison) et j’y suis depuis 20 ans!

DepQc: Diane Leroux-Rondeau, merci pour ce très beau témoignage.

DLR: Merci à vous.

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