Commentaire juridique sur la Signalisation ALERT

Note : DepQuébec est fier d’accueillir un nouveau chroniqueur dans son équipe, Me Marc-Antoine St-Pierre, avocat membre du cabinet DEVEAU Avocats. Me St-Pierre est appelé à défendre régulièrement des dépanneurs dans des causes de vente de tabac aux mineurs et autres causes similaires. Il donne fréquemment aussi de la formation à ce sujet. Très familier avec la problématique, nous lui avons donc demandé, en guise de première chronique, son avis sur la nouvelle Signalisation ALERT de DepQuébec (voir article ici) visant à aider à prévenir amendes et infractions reliées à la vente de tabac aux mineurs.


DepQuébec : Me St-Pierre, que pensez-vous du concept d’affiche lancé par DepQuébec?

Me St-Pierre : Je le trouve très positif sur plusieurs aspects.

Le concept ALERT constitue une demande écrite formelle à l’égard des acheteurs de tabac en faisant expressément référence à l’article 13,1 de la Loi sur le tabac, qui spécifie que sur demande du détaillant, les clients sont tenus de prouver leur majorité.

Il va sans dire que tant pour les clients que pour l’exploitant, c’est très positif de mettre ainsi carte sur table en disant : ICI, vous êtes légalement responsables de prouver votre majorité. La loi permet aux détaillants de le faire et il s’agit d’un pouvoir important. Cette mention aura un effet sur les clients en leur rappelant qu’ils ont une obligation légale de se conformer à cette demande et qu’elle doit être prise au sérieux.

Enfin, l’affichage proposé tire profit de cette nouvelle disposition de la loi révisée sur le tabac, qui est à l’avantage des dépanneurs. Les autres modifications qui concernent notamment les amendes plus élevées ont pour effet de rendre la vente de tabac aux mineurs plus risquée et les conséquences de celle-ci plus sévères.

“Il est donc très utile de miser sur ce pouvoir conféré par les dispositions de l’article 13,1 révisé.” – Me Marc-Antoine St-Pierre, DEVEAU Avocats

DepQuébec : Bien entendu, il est important de rappeler que la Signalisation ALERT ne vise aucunement à se substituer aux efforts de diligence raisonnable en place, mais plutôt à s’ajouter à ces derniers.

Me St-Pierre : Absolument, c’est très important de le souligner. Ce n’est pas parce que vous mettez ces affiches que vos obligations de diligence raisonnables sont remplies. Les dépanneurs doivent agir en prévention sur plusieurs fronts pour prévenir la commission d’une infraction afin d’être en mesure de présenter une défense adéquate de diligence raisonnable. Ils doivent notamment s’assurer de bien former leurs employés et ce, de manière continue, de leur transmettre des directives claires, d’avoir des sanctions en cas de manquements, des processus de vérification et de surveillance et des moyens de preuves concluants sur chacun de ces différents volets.

“Il doit y avoir à cet égard une manifestation évidente d’une philosophie soucieuse de mettre en place et appliquer les moyens nécessaires pour éviter la vente de tabac aux mineurs et ce, à chacun des échelons hiérarchiques de l’entreprise.” – Me Marc-Antoine St-Pierre, DEVEAU Avocats

Le programme Pièce d’identité de l’AQDA et leur programme Inspectabac qui donnent accès à un service de vérifications externes par des acheteurs mystères constituent également des outils très utiles pour permettre l’atteinte de cet objectif.

La Signalisation ALERT met en demeure les acheteurs de tabac de prouver légalement leur majorité, tel que le permet l’article 13,1 de la Loi révisée sur le tabac (2015).

DepQuébec : Un des éléments que nous soulignons avec la Signalisation ALERT est l’impact que cette mise en demeure écrite peut avoir sur l’inspection piège et qui est selon nous à l’avantage du détaillant. Que pensez-vous de cet argument?

Me St-Pierre : Tant que nous n’avons pas soumis de tels arguments au jugement des tribunaux, cela demeure de la spéculation quant à savoir comment ils seront reçus, interprétés et ultimement jugés. Mais l’usage de la Signalisation ALERT ne peut qu’aider les détaillants.

DepQuébec : Nous pensons, pour notre part, que si un inspecteur fait preuve de mutisme lors d’un achat dans un commerce avec Signalisation ALERT et qu’il piège un détaillant, ce mutisme pourrait jouer contre lui.

Me St-Pierre : C’est possible dans la mesure où un juge interprétera qu’ayant été soumis à une demande en bonne et due forme du détaillant, l’inspecteur avait l’obligation de prouver son âge et qu’il ne l’a pas fait. Nous serions alors potentiellement devant une double faute : celle du détaillant ayant vendu du tabac à un mineur et celle de l’inspecteur n’ayant pas obéi à la loi sur cette obligation spécifique.

Mais il peut y avoir beaucoup d’autres facteurs à considérer également: l’inspecteur a-t-il bien vu les affiches? Et même s’il les a vues, un juge pourrait considérer que ce n’est pas suffisant et qu’une demande verbale est nécessaire.

La question de déterminer si l’inspecteur engagé spécifiquement pour prendre des détaillants en défaut est visé par cette obligation devra être clarifiée de même que les conséquences du défaut de respecter une telle obligation si elle était applicable.

DepQuébec : En terminant, recommandez-vous la Signalisation ALERT aux détaillants de tabac?

Me St-Pierre : Il s’agit d’un nouvel outil positif, utile et pertinent parmi d’autres qui pourra être utilisé dans le cadre d’une défense à l’encontre d’une accusation relative à la vente de tabac à un mineur.

Il fait montre d’une préoccupation du détaillant à éviter la vente de tabac aux mineurs en donnant un appui aux employés qui sont chargés de faire respecter la Loi en prenant des moyens de vérifier l’âge des clients.

DepQuébec : Merci beaucoup Me St-Pierre.

 

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