Le fiasco sans précédent des saveurs de vapotage révèle l’absurdité du lobbying subventionné

Dans l’arène politique québécoise, un cas récent est venu mettre en lumière la complexité tordue et les dilemmes éthiques inextricables du lobbying subventionné par le gouvernement et ce, particulièrement dans le secteur de la santé publique via le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), le plus important de l’État québécois.

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), un groupe de pression luttant contre le tabagisme et le vapotage, se retrouve dans une position délicate. Financée intégralement depuis 1996 par le ministère de la Santé du Québec et recevant présentement près de 10,000 $ par semaine — ce qui en fait un des plus gros, sinon le plus gros lobby au Québec — la CQCT a récemment réussi à faire adopter une loi interdisant la vente de saveurs de vapotage, une victoire après des années de pression. Ce succès soulève cependant des questions sur les limites de l’activisme financé en secret par le gouvernement et les risques associés à une telle dépendance financière.

À peine adoptée et déjà décriée

La mesure adoptée par le ministre de la Santé, Christian Dubé, devait marquer une étape importante dans la lutte contre le tabagisme, distinguant le Québec de provinces voisines comme l’Ontario, où la vente de saveurs reste permise dans des boutiques spécialisées. Cette réglementation est le fruit de longues années de campagne de la part de la CQCT, un groupe de pression créé et financé en secret par le gouvernement pour exercer une influence constante sur le public et les élus afin de faciliter l’adoption de lois et réglements prohibitionnistes.

Cependant, l’introduction de cette loi a également exposé les limites de l’influence qu’un tel groupe peut exercer sans compromettre son financement. Peu après la mise en application du règlement, les 400 vapoteries du Québec ont trouvé une parade facile en vendant des saveurs non mélangées à la nicotine, rendant ces produits tout aussi accessibles, voire davantage qu’avant et ce, en particulier auprès des mineurs et dans un contexte beaucoup moins sécuritaire où les consommateurs sont incités à faire eux-mêmes leurs propres mélanges.

Or, la dénonciation rapide et publique de la CQCT au contournement généralisé du réglement dans les médias a apparemment fortement déplu, voire irrité le ministre Dubé, menaçant dès lors potentiellement le financement de cette Coalition.

vente de saveurs au Québec
Depuis l’interdiction de vente des saveurs de vapotage au Québec le 31 octobre dernier, celles-ci n’ont jamais été aussi accessibles via les centaines de vapoteries converties en boutique qui les étalent au grand jour, même aux mineurs qui ont désormais accès à ces magasins et ce, en toute légalité. Une réalisation dont peut difficilement se targuer le ministre de la Santé, Christian Dubé.
Le ministre ne veut rien savoir

La sortie intempestive de la CQCT sur le réglement des saveurs, deux mois à peine après sa mise en vigueur, est tombée à un bien mauvais moment alors que le ministre Dubé en a plein les bras: création de Santé Québec, urgences qui débordent, bras de fer avec les médecins généralistes, il n’y a pas une semaine sans feu à éteindre. Et tout cela alors que la CAQ coule dans les sondages et que tous, premier ministre inclus, misent sur lui comme un sauveur pour redresser le navire.

Dans un tel contexte, et après avoir livré la marchandise demandée à cor et à cri, il apparaît évident que son ouverture pour en faire plus à court ou moyen terme dans le dossier du vapotage est assez mince, pour ne pas dire inexistante. Et sa patience a des limites qu’on ne saurait franchir.

enquete la presse
Lors d’une enquête parue à la ‘Une’ du quotidien La Presse en début d’année et naturellement initiée par la CQCT elle-même, le lobby plantait un clou dans le cercueil de la réglementation en faisant le constat de son échec, déclarant qu’elle « ne diminuera pas la consommation » et que pour y pallier, de nouvelles dispositions sont désormais nécessaires.

De fait, il a exprimé son mécontentement de manière assez directe, récemment, en faisant savoir à un journaliste (voir ici) qu’il ne trouvait pas la situation amusante. Et pour le vérifier, DepQuébec a demandé directement au MSSS quelle était sa réaction et ses intentions face au constat d’échec de la CQCT à l’effet que son règlement « ne diminuera pas la consommation de vapotage » et que des mesures additionnelles étaient désormais nécessaires et requises pour en assurer l’efficacité.

Les inspecteurs du MSSS sont sur le terrain pour s’assurer du respect de la Loi. Chaque cas est analysé et les fabricants et détaillants qui contreviennent (…) s’exposent à des amendes substantielles. Le MSSS ne commentera pas davantage. — Marie-Claude Lacasse, porte-parole du MSSS en réponse à DepQuébec

Autrement dit, allez jouez ailleurs, on a d’autres chats à fouetter. Or, depuis sa sortie tonitruante du début janvier et la réaction subséquente du ministre Dubé, il semble bien que la CQCT ait compris le message. Elle semble chercher à faire profil bas, laissant au Conseil québécois pour le tabac et la santé (CQTS) ou encore, à la Société canadienne du cancer le soin de prendre le relais. Ainsi, le pitbull s’est mué en poodle pour retourner sagement dans sa niche afin de préserver son financement de la colère du ministre.

Des millions $ dépensés pour se faire dire quoi faire

Cette évolution souligne non seulement les dangers mais aussi l’absurdité d’un lobbying financé secrètement par l’État. D’une part, cette dépendance financière restreint la capacité du groupe à formuler des critiques et à réclamer des changements, de peur de perdre son soutien financier. D’autre part, elle pose des questions quant à l’usage des fonds publics pour soutenir des activités de lobbying qui, bien qu’elles visent des objectifs de santé publique nobles, peuvent mener à l’adoption de politiques controversées ou inefficaces.

lobby occulte de la santé publique
Il est illogique et absurde que l’État verse des millions $ en fonds publics à des lobbyistes externes pour s’influencer lui-même, peu importe la noblesse de la cause. C’est pourquoi il agit en cette matière dans le plus grand secret.

L’échec de l’interdiction des saveurs illustre parfaitement ces enjeux. Lorsque le ministre de la Santé collabore étroitement avec des entités de santé publique et des groupes de lobbying qu’il a lui-même créés et financés, et que ces acteurs conçoivent des politiques en circuit fermé, sans écouter d’autres voix, les lois et réglementations qui en résultent s’éloignent de plus en plus des réalités du marché. C’est précisément ce qui s’est produit avec l’interdiction des saveurs.

En fin de compte, ce cas souligne l’importance d’une réflexion approfondie sur le financement et la stratégie des groupes de pression en santé publique. Il pose la question cruciale de savoir jusqu’où un lobby peut aller pour influencer la politique sans compromettre son intégrité ou sa survie financière.

L’importance d’inclure toutes les parties prenantes

L’affaire du vapotage illustre également un problème plus large dans la gestion des enjeux de santé publique au Québec. Alors que le ministre Dubé se concentre sur des défis majeurs tels que la mise en place de la nouvelle agence Santé Québec, les tactiques de contournement employées par l’industrie du vapotage montrent la nécessité de stratégies plus robustes et holistiques pour réguler efficacement le tabagisme et le vapotage.

Pour les acteurs de l’industrie des dépanneurs au Québec, cette situation met en relief les défis et les opportunités de naviguer dans un paysage réglementaire en constante évolution, tout en rappelant la nécessité d’une collaboration plus étroite entre le gouvernement, les groupes de pression et l’industrie pour atteindre des objectifs de santé publique communs et mettre en place une réglementation mieux adaptée aux réalités du marché.

Il reste à espérer que le fiasco des saveurs de vapotage serve de leçon pour l’avenir et aussi, engendre des discussions franches et ouvertes sur cette pratique absurde et unique au Québec de lobbying subventionné et de groupes de pression marionnettes dirigés à distance par des bureaucrates excités à l’idée de faire de la politique par procuration.

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