Le fédéral inspectera 500 deps québécois par an pour le vapotage mais sans grand risque d’amende
Cela fait des années qu’il n’entrait plus dans les dépanneurs armé d’une loupe et d’un calepin, ayant cédé ce rôle ingrat aux provinces depuis des lustres. Mais voilà que sous la pression populaire — et pour bien montrer son leadership à protéger les jeunes — il remet ça.
Le gouvernement fédéral prend en effet les grands moyens pour s’affirmer: sortant de sa tour d’ivoire pour occuper le terrain, Santé Canada a recruté et formé cette année son propre contingent d’inspecteurs appelés à se promener partout au Canada.
Leur mission: vérifier la conformité des dépanneurs et vapoteries aux nouvelles dispositions de la loi fédérale sur le vapotage adoptées en mai 2018.
Il y a toutefois très peu à craindre de ces inspections pour les détaillants québécois de produits de vapotage. Car peu importe leur nombre, le fédéral foncera dans chacun d’eux comme dans une porte ouverte.
Comment cela? Parce que ces inspections visent surtout la publicité en magasin, une publicité qui, au Québec, est déjà totalement interdite… du moins jusqu’à nouvel ordre!
Santé Canada préoccupée par le vapotage chez les jeunes
L’annonce de ces inspections s’est faite via une lettre transmise en juin dernier aux propriétaires de dépanneurs et de vapoteries du Canada (voir plus bas). Santé Canada prévenait officiellement ces derniers de se préparer à la visite prochaine de ses inspecteurs.
On parle ici d’une « vague d’inspections » sauf qu’en regard du nombre prévu, il s’agit davantage d’une vaguelette. Santé Canada visitera 1,000 vapoteries et 2,000 dépanneurs, soit 3,000 commerces sur environ 35,000 d’un océan à l’autre. C’est peu, soit moins de 10% par année. À titre de comparaison, Québec mène à lui seul environ 5,000 inspections mystères par année et l’Ontario en fait encore davantage proportionnellement.
Vérifier une publicité inexistante au Québec
Le motif de ces inspections vise à s’assurer que tous et chacun respecte la nouvelle loi fédérale sur le vapotage adoptée en mai 2018.
Ce qui est particulier toutefois est le fait que sur les cinq motifs d’inspection invoquées par Santé Canada dans sa lettre, aucun ne s’applique au Québec ou n’est inspectable par une simple visite en magasin.
- Pour ce qui est l’interdiction de vente aux mineurs, les inspecteurs n’auront aucun moyen de s’en assurer à moins de rester des heures et des jours à la caisse pour observer les transactions, ce qui est impensable.
- Pour ce qui est des autres motifs invoqués, ils concernent tous la promotion ou la publicité du vapotage en magasin, une pratique interdite chez nous depuis l’adoption du projet de loi 44 en décembre 2015.
Donc, cela vaut-il vraiment la peine d’inspecter les dépanneurs ici? En entrevue avec DepQuébec, la porte-parole de Santé Canada assure que l’exercice demeure pertinent.
« Dans un magasin, les inspecteurs vont tout regarder. La disposition du produit aussi, mais pas tant pour vérifier le dépanneur que le fabricant. Si le fabricant a fait des saveurs qui ne devraient pas être là ou si le produit est attrayant pour les jeunes alors qu’il ne le devrait pas, il va agir. » — Maryse Durette, Santé Canada
Ainsi, ce serait davantage le fabricant des produits de vapotage et, à la rigueur, son distributeur ou grossiste qui sont à risque ici et non pas les détaillants eux-mêmes.
Et à quoi ressembleront-elles, ces inspections?
Reste que des inspections, ce n’est jamais banal. Personne n’aime voir la police débarquer chez soi. Ça peut mettre tout le monde sur les nerfs et perturber sérieusement les opérations d’autant plus si le personnel ne s’y attend pas, est méfiant ou ne comprend pas le but de cette mesure.
Ajoutez au mix un inspecteur bête et arrogant et vous avez tous les ingrédients d’un petit drame.
DepQuébec a donc posé une foule de questions à Santé Canada sur le menu détail de ces inspections pour bien comprendre comment elles seront menées et voici ce qui en ressort:
- Les inspecteurs auront-ils un badge? Oui, et ils sont tenus de le montrer sur demande.
- Combien seront-ils pour couvrir tout le Canada? Une vingtaine.
- Travailleront-ils seuls ou en duo? La porte-parole ne pouvait répondre, mais compte-tenu du petit nombre, on peut parier sans erreur qu’ils travailleront seuls.
- Qu’arrive-t-il si le propriétaire est absent? L’inspection se déroulera quand même.
- Vont-ils pouvoir émettre des amendes? Les inspecteurs vont mettre l’accent sur la conformité et privilégier le dialogue. Ce n’est qu’en cas de refus de coopération que des poursuites seront envisagées.
- Par qui se feront les poursuites et dans quelle cour de justice? Santé Canada remettra les dossiers à la Direction des poursuites pénales du Canada et c’est elle qui décidera de la suite des choses en fonction de chaque dossier.
- Comment seront choisis les dépanneurs visités? De manière aléatoire.
- Ce n’est pas tous les dépanneurs qui vendent des produits de vapotage. Comment feront-ils pour les identifier? Les dépanneurs seront choisis de manière aléatoire… donc il se peut que des inspecteurs se pointent par accident dans des dépanneurs qui n’en vendent pas. Ils vont sans doute vérifier avant de s’identifier.
- Si un produit vendu en dépanneur n’est pas conforme, est-ce que le dépanneur peut être trouvé responsable? Le dépanneur pourrait ne pas être responsable s’il est démontré que c’est la faute du fabricant et/ou du grossiste.
Dès lors, et malgré le language menaçant de la lettre de Santé Canada promettant d’utiliser « toutes les mesures d’application de la loi à sa disposition », il apparait que ces nouvelles inspections, chez nous, seront davantage à risque pour les fabricants et grossistes que les détaillants.
« Une intervention de la part de notre inspecteur – une saisie de produit entre autres — ne sera pas nécessairement pour noter un manque à la réglementation de la part du détaillant: ce pourrait être pour documenter une infraction commise par un fabricant », d’ajouter Maryse Durette, porte-parole de Santé Canada
Il n’y a donc pas de quoi s’en faire pour les détaillants du Québec.
C’est un peu triste à dire, mais la réglementation québécoise sur le vapotage est devenue tellement frigide pour les détaillants que presque plus rien ne peuvent les atteindre!