CAMÉRA CACHÉE – L’interdiction des saveurs donne lieu à un doigt d’honneur des vapoteries au MSSS

Dans le monde opaque et souvent sous-estimé des vapoteries, une transformation radicale s’est amorcée au Québec. Suite à l’interdiction des saveurs de vapotage en vigueur depuis le 31 octobre dernier, nous assistons en direct à une métamorphose complète de ce réseau d’environ 300 points de vente. Face à une législation qui visait à restreindre l’accès aux produits aromatisés, ces commerces ont adopté une stratégie de survie ingénieuse quoique douteuse, en se convertissant en boutiques tout public, mélangeant astucieusement produits de vapotage et saveurs vendues séparément.

Dans le cadre de cette enquête de type caméra cachée*, notre équipe a exploré ces boutiques remodelées, découvrant un paysage de contournement législatif aussi flagrant qu’insolite. Les détaillants et commis, loin de se cacher, bravent ouvertement la nouvelle loi et n’hésitent pas à défier publiquement l’autorité du ministre de la Santé, Christian Dubé, architecte de cette réglementation.

Ce que nous avons découvert est sans précédent dans les annales réglementaires québécoises : une rébellion commerciale en plein jour, où la « mixologie » — nouveau terme pour désigner le mélange de saveurs avec la nicotine — devient un acte de défi. Les photos et témoignages recueillis lors de notre enquête révèlent un fiasco réglementaire et une attitude de défi assumée, posant de sérieuses questions sur l’efficacité des mesures prises par le gouvernement.

De Vaporus à Mixorus
DE VAPORUS À … MIXORUS! — La réponse humiliante des vapoteries face à la nouvelle réglementation interdisant les liquides de vapotage aromatisés a nettement empiré la situation pour le gouvernement. En effet, sous l’emblême de la « mixologie », les saveurs de vapotage sont devenues encore plus visibles et accessibles que jamais. Sur la photo, la même boutique avant et après la réglementation. Note importante: aucune caméra cachée n’a été effectuée dans ce commerce. Seule une photo de la devanture extérieure a été prise.
Une échappatoire pour les vapoteries québécoises 

Au cœur de notre enquête se trouve une situation complexe et des enjeux que le gouvernement semble n’avoir pas su décoder ou voir venir.

Avant la réglementation, la plupart des vapoteries au Québec exploitaient leur commerce en tirant profit d’un réglement leur donnant le droit d’étaler leurs vapoteuses et liquides en magasin, à la vue des clients. Ce règlement est gagnant-gagnant dans la mesure où il requiert de couvrir la vitrine du commerce et d’empêcher l’entrée aux mineurs. Ainsi, la visibilité du vapotage s’en trouve restreinte tandis que les exploitants et leur clientèle adulte, pour leur part, apprécient la possibilité de magasiner des produits qu’on peut voir étalés.

Depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction des saveurs, toutefois, ces établissements se retrouvent directement dans la ligne de mire de la nouvelle réglementation. Car tout produit vendu dans ces magasins est considéré comme un accessoire de vapotage. Cela signifie qu’il est interdit d’y vendre des saveurs sous quelque forme que ce soit, même en format individuel, car la loi les y proscrit dans ces lieux.

Démonstration de mélange nicotine saveur
« C’EST COMME ÇA QU’ON FAIT » — Dans la plupart des boutiques visitées, les commis n’avaient aucune gêne à montrer comment insérer les flacons de saveurs de format 10 ml vendus séparément dans des bouteilles de 30 ml contenant des fluides de nicotine sans saveur.

Face à ces nouvelles restrictions, une stratégie d’évitement s’est développée. De nombreuses vapoteries ont choisi d’abandonner ce modèle taillé sur mesure pour devenir des détaillants ordinaires, ouverts au public. Ce changement leur permet d’admettre une clientèle plus large, de posséder des vitrines transparentes tout en continuant de vendre des produits de vapotage à condition que ces derniers soient dissimulés, par exemple dans des tiroirs ou des armoires, et seulement accessibles sur demande d’un client.

Des saveurs, en veux-tu? En v’la!

Cette alternative leur offre aussi la liberté d’exposer et de promouvoir un vaste éventail de saveurs, toutes légalement autorisées tant que leur étiquette indique une utilisation autre que le vapotage.

Murs de saveurs
EXPLOSION DE SAVEURS — Les vapoteries nouvellement converties en détaillants ordinaires profitent du fait de pouvoir vendre des saveurs séparément côte-à-côte avec des liquides de nicotine sans saveur. Suffit de les mélanger, tout simplement!

La variété est stupéfiante : framboise bleue, mango pêche, vanille bleuet, gâteau au chocolat, la liste est interminable. Cette liberté d’exposition et de promotion est à l’origine du concept de ‘mixologie’ dans le monde du vapotage.

affiche de saveurs
SAVEURS ALLÉCHANTES ET APPÉTISSANTES AUX NOMS ÉVOCATEURS — Mirage, framboise bleue, menthol extrême, fruit défendu, sex on the beach… À votre santé, ministre Dubé!
Aucune gêne à associer les deux

On s’attendait à ce que les commis fassent preuve de prudence pour ne pas associer les saveurs offertes (officiellement pour aromatiser l’eau) au vapotage. La réalité est toutefois si évidente que la comédie ne dure jamais longtemps.

Pas légal mais on en vend quand même
« PAS LÉGAL D’EN VENDRE… VOUS EN VOULEZ? » — Après avoir expliqué à notre client mystère qu’il est interdit désormais de vendre des liquides de vapotage aromatisé au Québec, ce commis a tout de suite offert la vente de saveurs séparées qu’on peut mélanger.

La plupart du temps, lorsqu’on exprime le souhait d’acheter une saveur ou encore, du liquide avec nicotine, le commis nous offre spontanément son complément.

Prenez cette sorte, il y a de la place pour les saveurs
« PRENEZ CETTE SORTE, IL Y A DE L’ESPACE POUR AJOUTER DE LA SAVEUR » En optant pour une saveur, le commis nous offre spontanément d’opter pour une bouteille de fluide à vapoter avec nicotine conçue expressément pour y ajouter 10 ml de saveur.

Mais si tout est fait pour facililter la vie des consommateurs, il semble y avoir des divergences quant à la quantité de saveurs à ajouter dans une bouteille de 30 ml de fluide avec nicotine.

Ajoutez juste le tiers...
« AJOUTEZ JUSTE UN TIERS DE BOUTEILLE… » — Ce commis de vapoterie nous a conseillé d’ajouter seulement le tiers d’un flacon de saveurs de 10 ml au flacon de 30 ml de fluide avec nicotine (environ 23$), soit 10% du volume. Dans la plupart des autres magasins visités en revanche, on parle en général de mettre tout le flacon de saveur d’une valeur de 6$ environ.

Bref, on ne saurait quitter la boutique sans acheter un combo saveur et nicotine. Et toute cette réglementation pour quoi au juste? Pour rien. Consommateurs et exploitants sont morts de rire.

Un combo svp saveur et nicotine
« QUOI, JUSTE UNE SAVEUR? » — À un commis à qui l’on demandait d’acheter juste une saveur, ce dernier s’est avéré très surpris, suite à quoi, pour ne pas le décevoir (ni se faire démasquer), nous avons procédé à l’achat du combo.

Aussi, quelle surprise de constater que chez des vapoteries non encore converties, ce sont les saveurs qu’il faut cette fois cacher, et non les produits! Décidément, un chat en perd ses petits.

Saveurs cachées dans une vapoterie spécialisée
UNE SITUATION REMPLIE D’IRONIE — Tandis que les vapoteries converties en boutiques peuvent étaler les saveurs, voire en mettre partout en magasin si elles veulent, celles qui demeurent spécialisées ou en transition doivent les cacher à la vue en cas d’inspection.

Il reste à espérer en conclusion qu’avec tous ces mélanges concoctées de différentes façons, avec différents ingrédients de qualité diverses et aussi, avec des quantités qui varient d’un endroit à l’autre, on ne viendra pas engorger les urgences du Québec.

Bon travail, M. Dubé! Votre réforme de la santé part du bon pied.

 

*Note : pour des raisons évidentes, les images ayant été prises sans consentement, nous avons obscurci le visage des commis et nous ne révélons pas le nom et l’adresse des commerces visités.

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