CONSIGNE: Pas de réforme possible sans hausse significative de la prime aux détaillants

Cela fait des années maintenant qu’on débat au Québec de la modernisation du système de récupération et de recyclage des contenants à remplissage unique (CRU), sans être capable d’aboutir à quoi que ce soit.

Pourtant, il est impératif de le réformer, dit-on, pour améliorer le taux de recyclage des matières récupérées.

En effet, trop de matières recyclables aboutissent encore dans les dépotoirs alors qu’on pourrait en réutiliser en en revaloriser davantage avec un meilleur système.

D’où l’idée d’étendre la consigne à davantage de types de contenants, voire même d’augmenter la prime sur chacun des contenants consignés, car c’est la consigne qui offre le meilleur taux de recyclage des matières collectées (75% contre 55% environ pour la collecte sélective).

Sauf que voilà, il y a un hic. C’est que le système de consigne actuel ne reflète pas les coûts réels de celle-ci, car il est tenu à bout de bras par les dépanneurs dont la compensation n’a pas été indexée depuis 35 ans.

Tant que le système est maintenu tel quel, il s’autofinance de sorte que tout le monde (mis à part les dépanneurs) en profite : embouteilleurs, gouvernement, recycleurs.

Mais dès qu’on le change, on ouvre la boîte de pandore et là, tout risque de coûter énormément plus cher… parce que les dépanneurs cesseront alors de subventionner la collecte.

Dilemme!

Dans le monde merveilleux et imaginaire de Québec Solidaire peuplé de licornes dorées, d’arcs-en-ciel et où l’argent pousse dans les arbres, étendre la consigne viendrait régler tous les problèmes. Sauf que si on change le système, il faudra dès lors ajuster la prime aux détaillants comme il se doit, ce qui engendrera au minimum des coûts additionnels de l’ordre de 30 millions $ par année juste pour les contenants actuels. Alors imaginez si on en ajoute! Et qui va payer?
Quand les dindons de la farce ne rient plus

Pour bien voir à quel point les dépanneurs se font royalement avoir en ce moment (surtout eux parce que pour les supermarchés et autres plus grandes surfaces, les coûts de consigne sont relativement moins importants), il suffit de regarder, au tableau suivant, comment le Québec se compare aux autres provinces lorsqu’il s’agit du montant compensatoire versé par contenant consigné collecté.

Au Québec, le montant compensatoire versé pour chaque contenant récupéré n’a pas été indexé depuis 35 ans, de sorte qu’il est toujours bloqué à un très dérisoire plafond de deux cents par contenant. C’est de loin le plus faible au pays. Dans les autres provinces, il reflète davantage les coûts réels de la récupération, soit quelque part entre quatre et 10 sous en moyenne. Cette exploitation éhontée des dépanneurs fait en sorte que la consigne s’autofinance ici alors que normalement, le gouvernement et les embouteilleurs devraient verser environ 30 millions par année de plus dans les poches des détaillants… ce qu’ils rechignent à faire, bien entendu! Source : CM Consulting, 2016, p. 99
Une taxe invisible aux détaillants

Comme nous le rappelions dans un article précédent (voir ici), le fait de ne pas indexer la prime aux détaillants équivaut à la réduire d’année en année sous l’effet de l’inflation.

La simple indexation de la prime aux détaillants aurait eu pour effet de multiplier par 2,3 fois la prime actuelle en dollars d’aujourd’hui, qui serait non plus de 2 cents mais bien de 4,3 cents.

Ainsi, ce n’est pas 2 cents mais bien 4,3 cents qu’il faudrait aujourd’hui payer aux détaillants si on avait simplement indexé ce montant à l’inflation québécoise.

L’an dernier, on a remboursé au Québec la consigne sur 1,35 milliards de contenants, soit 27 M$ en primes brutes à la récupération.

Augmentez la prime à 5 sous, par exemple, et ce montant grimperait à 67,5 M$, soit bien plus que le système n’est capable de générer en puisant dans le butin des consignes non remboursées et compte tenu des autres coûts à payer.

Alors qui va payer cet extra chaque année? Le gouvernement? Les embouteilleurs? Les consommateurs?

Ces coûts additionnels viennent aussi changer la donne pour les recycleurs, comme l’a souligné l’étude du CREATE sur les deux systèmes au Québec:

Il en coûte environ cinq cents dollars pour collecter et trier une tonne de canettes d’aluminium mais cette tonne représente près de 77 000 canettes : payer 2 ¢ pour manutentionner chacune de ces canettes commande une facture de quinze cents dollars.— Étude comparative des systèmes de récupération des contenants de boisson au Québec (CREATE) – Juillet 2015

Pour l’instant, ce sont donc les détaillants qui paient (et qui paient cher) via un cruel manque à gagner, mais cette situation ne saurait durer.

Un débat déchirant à venir

La Coalition Avenir Québec a indiqué, lors d’un conseil général, vouloir pencher vers un renforcement limité de la consigne. Soit… mais à condition que la prime aux détaillants augmente à au moins cinq sous par contenant.

Une des façons de faire — sans doute la seule d’ailleurs — serait d’augmenter considérablement le montant de la consigne par contenant de sorte que le budget des consignes non remboursées devienne suffisant pour payer les détaillants et faire en sorte que la consigne s’autofinance.

Le problème toutefois est qu’en agissant ainsi, plus de gens rapporteront les contenants, de sorte que cet effet risque de s’annuler.

Il s’agit donc, pour le gouvernement, de prévoir les sommes nécessaires pour, possiblement, subventionner la consigne de manière à réparer l’injustice faite aux détaillants.

La bonne nouvelle est que le gouvernement précédent s’est engagé à le faire :

Depuis la mise en place de la réglementation sur la récupération des contenants à remplissage unique, le temps consacré à cette obligation et les coûts reliés en ce qui a trait aux salaires se sont accrus. De plus, l’utilisation de ces contenants par l’industrie est en progression et elle entraîne des problèmes d’entreposage dans les petites surfaces. Par conséquent, le gouvernement s’engage à : Moderniser le système de gestion des contenants consignés et revoir par le fait même les paramètres d’attribution de la prime de manutention, notamment le niveau de la prime et les critères d’exemption. — Plan d’allègement réglementaire, septembre 2018

Augmenter la prime aux détaillants est devenu un incontournable. Essayez de trouver un produit ou un service qui, 35 ans plus tard, coûte encore le même prix qu’à l’époque!

À part l’air qu’on respire, il n’y a que le montant compensatoire versé aux détaillants qui soit resté inchangé.

Et c’est encore une fois la classe la plus méritante du Québec, les détaillants, qui doivent écoper alors que tout le reste du monde s’en sauve.

Comme si l’argent des dépanneurs leur sortait par les oreilles!

Un commentaire sur "CONSIGNE: Pas de réforme possible sans hausse significative de la prime aux détaillants"

  • 18 juillet 2019 à 09:29
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    Merci Guy de te préoccuper de nos problèmes. Espérons que tu sois entendu pour le bien de nous tous.

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