Un billet de lave-auto ne peut avoir de date limite : le suggérer est passible d’amende selon l’OPC

L’histoire commence le mois dernier au Gaz Bar Ultramar LeHouillier, rue King Est à Sherbrooke.

Un client se présente à la caisse avec un billet de lave-auto expiré.

Il demande un nouveau billet de lavage étant donné qu’il n’a pas eu le temps d’utiliser le sien avant que le code n’expire.

« Désolé Monsieur, mais si le billet est expiré, il n’est plus bon. C’était à vous de l’utiliser avant. Je ne peux rien faire malheureusement », de répondre la caissière.

« Vous n’avez pas le droit! C’est contre la loi de faire ça. Je vais porter plainte! », de répondre le client avant de quitter les lieux, fort mécontent.

Mis au courant de l’incident, Gilles LeHouillier, propriétaire, rassure l’employée en lui confirmant qu’elle a bien suivi les instructions.

Toutefois, un doute subsiste. Par précaution, il fait faire une recherche pour finalement se rendre compte qu’en fait, c’est le client qui avait raison.

Il découvre qu’il est interdit au Québec d’imposer une durée de vie limitée à un billet de lave-auto!

Mais pourquoi donc personne ne lui a dit? Et pourquoi diable alors les billets deviennent-ils tous périmés après trois mois?

Bienvenue dans l’univers des lave-autos où, à l’évidence, et en dépit de la vaste expérience des exploitants et de leurs chaînes, la réglementation réserve encore des surprises!

Le Gaz Bar LeHouillier à Sherbrooke comprend un dépanneur avec essence Ultramar, quatre baies de service pour l’entretien automobile ainsi qu’un lave-auto de marque UltraLave auquel on accède en entrant un code de cinq chiffres sur un clavier, code que l’on obtient à l’achat d’un lavage à la pompe ou en magasin.
Billets de lave-auto et cartes cadeaux: du pareil au même

Lorsqu’on lui a parlé de cette affaire, Jassi Jagdish est tombé des nues.

« Moi, j’ai toujours pensé qu’un billet de lave-auto durait trois mois maximum et qu’après cette période, il n’était plus bon, c’est tout », de souligner le propriétaire d’un Provi-Soir Shell à Longueuil.

Il n’est pas le seul: la plupart des propriétaires indépendants à qui nous avons parlé sont de cet avis.

Le billet de lave-auto du Provi-Soir Shell comprend une date d’expiration du code qu’on peut facilement confondre avec l’expiration du billet lui-même.

Bien entendu, la vaste majorité des clients qui achètent un billet de lave-auto — probablement 95% d’entre-eux — utilisent le code dans les heures ou les jours suivant l’achat.

Ce n’est donc pas un problème à grande échelle et Jassi n’a jamais eu d’ennui pour cette raison. « Même que souvent, pour des clients réguliers, je leur en offre gratuitement », dit-il.

Mais il ne faut pas confondre durée limitée des offres en magasin — qui est légale — avec durée limitée des coupons de lave-auto, qui ne l’est pas!

Lorsqu’une épicerie offre un rabais sur un produit, elle a parfaitement le droit de le faire jusqu’à une certaine date, parce qu’on parle ici d’un rabais sur un achat éventuel.

Mais c’est différent pour un coupon de lave-auto car il s’agit d’un service payé d’avance et qu’à ce titre, cela tombe sous la Loi de la Protection des consommateurs (LPC).

Une disposition qui date de 2010

En effet, lorsqu’un consommateur paie d’avance pour un service ou des achats et obtient en contrepartie un certificat, un coupon ou un instrument d’échange, la loi québécoise interdit qu’une date limite soit instaurée sur la validité de ce dernier.

LOI SUR LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS
SECTION V.1 
CONTRAT DE VENTE D’UNE CARTE PRÉPAYÉE

187.1.
Pour l’application de la présente section, un certificat, une carte ou tout instrument d’échange permettant au consommateur de se procurer un bien ou un service disponible chez un ou plusieurs commerçants moyennant un paiement effectué à l’avance constitue une carte prépayée.

187.3.
 Sous réserve de ce qui peut être prévu par règlement, est interdite la stipulation prévoyant une date de péremption de la carte prépayée sauf si le contrat prévoit une utilisation illimitée d’un service.

Le législateur agit ainsi pour éviter que le consommateur perde son argent sans n’avoir rien obtenu en échange, ce qui est louable, avouons-le.

Or, selon l’Office de la protection des consommateurs (OPC) qui est chargé d’appliquer la loi, « le coupon de lavage sera généralement considéré comme une carte prépayée au sens de la LPC ».

C’est le cas depuis que la loi a été amendée et sanctionnée le 30 juin 2010 (voir article ici). Les commerces qui y contreviennent s’exposent à des amendes pouvant aller de 2000$ jusqu’à 100,000$!

Et pour ce qui est coupons de lavage, l’OPC reçoit présentement une dizaine de plaintes par année de clients dont les billets n’ont pas été renouvelés une fois le code périmé.

Dans certaines autres provinces, il est permis de vendre des services payés d’avance avec une durée limitée pour en profiter, comme en fait foi cette offre de carte de lave-auto de 30 et 90 jours de Shell Canada, valide dans quelques provinces mais pas au Québec.
Code périmé ne signifie pas billet expiré

Ce qui mélange absolument tout le monde — clients, détaillants et employés compris — est le fait que les manufacturiers de lave-auto tiennent mordicus à instaurer une date de péremption sur les codes à cinq chiffres de lave-auto.

Le billet issu du système « Bulloch » donne l’impression d’expirer à la date indiquée.

Selon Sylvain Larochelle, président d’Entretien de Lave-Auto Laval, un important distributeur de lave-autos, c’est une mesure requise pour la bonne gestion des lave-autos.

« Le système informatique des lave-autos a besoin d’éliminer ses codes sur une base régulière afin de les regénérer. Mais cela n’a rien à voir avec la durée du contrat entre le détaillant et le client », de souligner Sylvain Larochelle.

En effet, ce n’est pas parce que le code devient périmé que le billet n’est plus valide et les experts de l’OPC sont d’accord sur ce point.

« Un code qui expire est considéré comme un mécanisme intrinsèque à une carte prépayée, comme lorsqu’on remplace une carte magnétique, par exemple, parce que la technologie est désuète. Cela n’empêche pas que le consommateur a droit à son service prépayé », de souligner Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC.

Le noeud du problème n’est donc pas lié au fait que le code expire, mais bien plutôt à ce que les conditions du contrat ne sont pas claires et que le consommateur est facilement induit en erreur, tout comme les détaillants et leurs employés, en pensant que l’expiration du code équivaut à celle du billet ou du contrat.

Or, cette dimension est non seulement fort problématique aux yeux de l’OPC, mais bel et bien potentiellement illégale.

« Ne pas informer le consommateur que l’expiration du code ne signifie pas que le client n’a plus droit au service prépayé pourrait être considéré comme une représentation fausse ou trompeuse au sens de l’article 219 de la LPC. » – OPC

Oups!

Des solutions simples et sans frais existent

Un tour d’horizon de l’industrie nous a fait découvrir deux grands types de pratiques, toutes les deux problématiques:

  • Les billets au code périmé sont remplacés sur demande. Le client est donc présumé savoir tout cela sans que personne ne l’ait jamais informé. La plupart des grandes chaînes agissent ainsi.
  • Les billets au code périmé ne sont pas honorés, ce que la plupart des indépendants font par erreur de bonne foi et non mauvaise intention. C’est évidemment illégal.

Les deux façons de faire peuvent entraîner plaintes, enquêtes et amendes et sont donc à proscrire.

Les solutions sont toutefois très simples et sans frais:

  • éliminer complètement l’expiration des codes et ainsi, toute notion qu’il y ait une durée limitée au service;
  • modifier l’inscription sur les billets de lave-auto afin de clarifier le fait que l’expiration du code ne signifie pas l’expiration du billet.
Le fait de distinguer l’expiration du code de l’intemporalité du billet serait une des façons possibles de mieux se conformer à la loi. Cela viendrait clarifier les conditions intrinsèques du contrat entre le détaillant et son client et ce, au profit des deux parties.

Ainsi, adieu la confusion. Tant les clients que les détaillants et leurs employés peuvent voir clairement sur le billet que billet et code sont deux entités différentes!

Selon Sylvain Larochelle, il est faisable de modifier les inscriptions sur le billet de lave-auto en fonction du nombre de caractères disponibles. Mais c’est d’abord et avant tout aux détaillants de l’exiger.

Sur ce, Gilles LeHouillier aimerait bien rappeler que si, par hasard, le client qui est venu dans son magasin le mois dernier voudrait bien repasser, il sera trop heureux de réparer cette petite injustice bien involontaire de sa part.

L’incident du billet de lave-auto non remplacé au Gaz Bar LeHouillier ne risque pas de se reproduire de si tôt. Pas plus tard que cette semaine, ses démarches ainsi que les nombreux appels de DepQuébec à ce sujet ont fait réagir. Sans que personne ne s’y attende, la mention « EXPIRÉ » sur ses billets de lave-auto a disparu comme par enchantement. Le problème est donc réglé en ce qui le concerne!

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