Consigne sur le verre: Québec s’apprête à annoncer l’implantation de centaines de centres de dépôt

La modernisation depuis longtemps promise mais jamais aboutie du système de consigne au Québec semble à veille de connaître un dénouement majeur… mais peut-être pas pour le meilleur.

Le ministre caquiste de l’Environnement, Benoît Charette, vient en effet tout juste d’indiquer qu’il entend déposer une nouvelle politique cet automne, soit dans quelques semaines.

Or, plusieurs indices très probants et de sources sûres laissent présager que le gouvernement a fait son lit en optant pour l’implantation de centaines de centres de dépôts de récupération de contenants de verre nouvellement consignés à travers le Québec.

Ce réseau très ambitieux, coûteux et fort complexe sur le plan logistique suscite une multitudes de questions à commencer par la plus importante: qui va payer?… (réponse facile: le contribuable | consommateur).

Et advenant que ce soit le cas, quels seront les impacts pour les dépanneurs, épiceries et supermarchés?

Faut-il craindre l’implantation d’un tel réseau ou, au contraire, l’applaudir?

Car si en apparence, cela semble un allègement pour les détaillants, n’est-ce pas aussi une façon d’éloigner la clientèle des dépanneurs?

Décidément, il n’y a rien de simple dans le monde du commerce de proximité!

centre dépôts consigne verre
Le nouveau réseau de centres de dépôt du verre comprendrait des points de service de différentes tailles situés stratégiquement à travers le territoire pour optimiser les déplacements des consommateurs. Sur place, ils viendront rapporter le verre nouvellement consigné (ex: bouteilles de vin et de jus) contre un remboursement de la nouvelle consigne (10, 15, voire 20 sous par contenant sans compter un montant non remboursable qui pourrait aller jusqu’à 5 sous afin de défrayer les coûts de la récupération). Sur l’image du haut, on aperçoit un plan similaire préparé par la firme LIDD pour le compte de la SAQ et qui donne une bonne idée de l’étendue d’un tel réseau.
Un puit sans fond de dépenses

Pour les propriétaires rompus aux exigences et aux coûts d’opérations du détail d’aujourd’hui, la création d’un réseau de centres de dépôt par le gouvernement ressemble à une vision d’horreur absolue. L’équivalent si on veut de remettre à un adolescent les clés d’une Ferrari dans une main et une bouteille de vodka dans l’autre.

C’est du moins l’avis de plusieurs dépanneurs consultés hier par DepQuébec.

« Si le gouvernement se lance là-dedans, les syndicats vont prendre le contrôle et les salaires vont exploser », de prédire un dépanneur consulté qui a requis l’anonymat. « Au final, ce sera à tous nous autres de payer ».

Comme de fait, ce projet grandiose va assurément coûter une fortune. Une estimation a déjà été faite par une firme en 2015 à la demande de la SAQ. Celle-ci prévoyait déjà des coûts prohibitifs il y a cinq ans et depuis, les hypothèses de base ont pris le bord, étant déjà largement dépassées.

tableau investissement centre dépôt consigne québec
Selon la firme LIDD (voir ici), il en aurait coûté 250 M$ sur 5 ans en 2015 pour implanter 522 centres de dépôts au Québec. Toutefois, cette estimation semble bien conservatrice aujourd’hui puisqu’elle est basée sur le salaire minimum, qu’il a augmenté de 25% depuis, que l’inflation a repris du poil de la bête et que la pénurie de main d’oeuvre est plus sévère que jamais. Aujourd’hui, il pourrait facilement en coûter le double, voire davantage pour instaurer et exploiter un tel réseau.
Sommes-nous en train de se faire passer un sapin?

Certes, le projet d’étendre la consigne aux contenants en verre jouit d’un appui massif au sein des groupes environnementaux.

Politiquement parlant, on voit mal le gouvernement leur tourner le dos, d’autant plus que l’environnement semble son point faible.

Le fait que la SAQ ait récemment déclaré être favorable à cette idée ajoute du poids à la théorie qu’il s’enligne vers cette folle aventure.

Une idée d’autant plus payante politiquement qu’elle vient habilement couper l’herbe sous le pied des détaillants.

« On ne veut pas forcer le commerçant, la succursale de la SAQ ou le dépanneur du coin à récupérer toutes les matières qu’ils mettent sur le marché. Parce que physiquement, ils n’ont pas les locaux, l’espace pour le faire. […] Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part », a déclaré M. Charette (source : Le Devoir).

De cette manière, tous les contenants de verre maintenant consignés (bouteilles de vin, de jus de fruit et autres) pourront être déposés par les consommateurs dans ces centres, et non pas chez les détaillants.

Mais qu’en est-il des bouteilles de bière? Il est difficile de concevoir que ces centres ne les acceptent pas, une perspective qui ne sourit guère à l’Association des Brasseurs (ABQ) qui a exprimé de fortes réserves.

Réparer ce qui n’est pas brisé

Le problème fondamental de cette idée demeure toutefois sa pertinence même.

Parce qu’avec le bac bleu, présentement, les taux de récupération des contenants en vitre sont excellents.

Selon Recyc-Québec (voir ici), 99% des Québécois ont accès à un service de ramassage du bac bleu et 90% de la matière déposée dans ce dit bac est recyclée.

bac bleu récupération
Selon Recyc-Québec, « la collecte sélective est présente sur le territoire québécois depuis plus de 20 ans et est un acquis solidement ancré dans les habitudes des Québécois. »

Ce système de récupération est très performant. Les consommateurs n’ont pas à se déplacer, le système est payé à 100% par l’industrie et s’il y a certes place à améliorer les taux de récupération hors-foyer de même que les taux d’utilisation de la matière recyclée (dont le verre), une aide relativement minime du gouvernement vers les centres de tri (minime comparativement au coût astronomique des centres de dépôt) pourrait changer la donne en leur permettant d’investir massivement dans la technologie de tri pour en améliorer la matière recyclable.

Et tandis qu’on est très familier avec le bac bleu, on ne sait rien du nouveau réseau envisagé par Québec.

Par exemple, où diable seront situés les centres de dépôt? Cela prendra certes un grand stationnement à proximité. Donc, à l’extérieur des centres commerciaux? Si oui, lesquels? Il faudra choisir et il y aura forcément des gagnants et des perdants. Est-ce qu’il y en aura en face d’un Costco, d’un Wal-Mart ou plutôt d’un IGA ou d’un Metro?

On voit d’ici le bordel, le tordage de bras, le crêpage de chignon et le lobbying de ruelle pour que tous et chacun obtienne son bout de traffic et surtout, pour empêcher que le concurrent soit avantagé.

Chose certaine, les députés auront fort à faire pour départager les uns des autres et deviendront certes des plus sollicités!

Un impact catastrophique pour les familles à faible revenu

Reste que si le gouvernement embarque dans cette galère, les dépanneurs devont vivre avec.

Et l’un des impacts les plus négatifs ne sera pas lié à l’achalandage, mais bien à la hausse des prix sur les breuvages suite à l’implantation d’une consigne dispendieuse et, possiblement, d’une prime non remboursable en sus, donc d’une nouvelle taxe.

En effet, ce projet coûtera cher. Pour assurer son financement, le gouvernement n’aura d’autre choix que d’imposer une consigne musclée du genre 10 sous par contenant de verre avec une prime non remboursable pouvant aller jusqu’à 5 sous par item, totalisant 15 sous de plus à l’achat. C’est absolument énorme!

Sachant que le gouvernement souhaite aussi assujettir les bouteilles d’eau en plastique à une telle consigne ainsi que les contenants de jus de fruits, on pourrait ainsi plus que doubler le prix de ces produits lorsqu’offerts en rabais!

spéciaux maxi
Chez Maxi cette semaine, une caisse de 35 bouteilles d’eau Naya de format 500 ml se détaille 3,98$ en spécial. Advenant l’imposition d’une consigne de 10 sous par bouteille + 5 sous non remboursable, le prix d’achat augmenterait de 5,25$ pour un total de 9,23$, soit une hausse de prix de 132%. Le jus Oasis Rougement format 2L passerait de seulement 2$ à 2,15$ tandis que le caisse de 8 jus à 200ml passerait de 2$ à 3,20$, soit une hausse de 60%. Même si une partie est remboursable, cette hausse engendre quand même un impact énorme pour les consommateurs et en particulier, pour les familles à faible revenu.

Le consommateur est donc assuré d’en pâtir, les ventes vont fondre comme neige au soleil et pour les détaillants, ce sera une autre brique de plus au mur de la réglementation folle des dépanneurs au Québec qui s’érige constamment à leur détriment.

Miser sur les acquis et non réinventer le tout

Si le gouvernement avait une once d’imagination et de bon sens, il miserait sur la réforme pour renforcer la profitabilité des détaillants, et non l’affaiblir:

  • en augmentant la prime de récupération aux détaillants pour rendre intéressante et rentable la récupération;
  • en améliorant la fréquence de la cueillette des contenants en magasin afin que ceux-ci ne s’accumulent pas immodérément;
  • en leur offrant un accès subventionné à des équipements de compactage pour les aider à diminuer leurs coûts et améliorer leur efficacité.

« Les dépanneurs ne sont pas insensibles à la problématique du plastique et du verre, loin de là. Le gouvernement miserait gagnant en alliant économie et environnement via des investissements additionnels judicieux dans le commerce de proximité », de souligner Michel Gadbois du Conseil canadien de l’industrie des dépanneurs (CCID).

Ainsi il ferait d’une pierre deux coups: améliorer la gestion des matières résiduelles tout en renforçant le commerce de proximité au Québec.

Car ce ne sont pas les centres de dépôt qui vont offrir du lait, du pain et des services de commodité aux personnes âgées, aux familles et aux travailleurs locaux.

Ce que ces centres vont réellement accomplir, en plus d’appauvrir les familles, c’est de forcer les consommateurs à faire un détour obligé pour faire la queue dans le but de récupérer quelques sous, ce qui risque d’être fort déplaisant en général mais surtout, à moins 30 degrés en hiver.

C’est alors qu’on réalisera les impacts très négatifs de cette nouvelle intrusion du gouvernement dans nos vies pour des gains relativement mineurs qui pourraient être obtenus autrement, à bien meilleur coût et avec beaucoup moins de trouble.

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