Politique d’exactitude des prix: très peu respectée chez les dépanneurs malgré de fortes amendes

« Quoi? Cette affiche là? Ça s’applique pas à nous ça, non? On m’a jamais achalé avec ça! »

Cette réaction d’incrédulité, DepQuébec l’a souvent vue ces jours-ci en discutant avec des dépanneurs pourtant expérimentés, en affaire depuis des années.

Bien oui. Cette affiche là s’applique aux dépanneurs. Vous ne le saviez pas?

Et en plus, vous êtes obligés d’en avoir une à chaque caisse. Sinon, vous pourriez avoir une amende de 2000$!

Tout cela relève de la Politique d’exactitude des prix, une réglementation comme toutes les autres, sujette à des inspections, des amendes, des poursuites et qui est en vigueur depuis… 20 ans cette année!

La fameuse affiche obligatoire à chaque caisse, la voilà. Cliquez sur l’image pour la télécharger.

Bienvenue au pays des lois dont certaines sont plus ou moins appliquées.

Des milliers de dépanneurs à risque d’amende… sans le savoir

En fait de respect de la loi, il convient ici de nuancer. Tous les dépanneurs ne sont pas en défaut, loin de là.

Il y a des aspects de la loi que la plupart respectent sans trop le savoir, mais d’autres non, dont l’obligation d’apposer la fameuse affiche près de chaque caisse.

Adoptée en 1998, la Politique d’exactitude des prix est un règlement qui fait partie de la Loi sur la protection des consommateurs, qui elle-même est sous la juridiction de l’Office de la protection des consommateurs (OPC).

La politique oblige les commerçants à étiqueter individuellement chacun des articles vendus en magasin sauf exceptions (vêtements, produits en vrac, produits congelés, etc.).

Toutefois, on peut s’exempter de cette obligation à deux conditions :

  • poser une étiquette de prix sur toutes les tablettes où se trouvent les produits;
  • utiliser un lecteur optique à la caisse pour décoder le code barre des produits.

Le cas échéant, les commerçants sont alors tenus d’apposer l’affiche de la Politique d’exactitude des prix à proximité de chaque caisse, ce qu’une minorité de dépanneurs font d’après nos estimations.

Ainsi, parce que chaque article n’est pas étiqueté individuellement, il peut se produire des erreurs difficiles à voir entre le prix tablette et le prix à la caisse.

La Politique d’exactitude des prix prévoit donc un dédommagement en cas d’erreur sur le prix à la caisse.

Si le prix de l’article acheté par un client est plus élevé à la caisse que celui annoncé sur la tablette, le commerçant doit :

  • remettre l’article gratuitement, si le prix affiché est de 10 $ ou moins;
  • vendre l’article au prix affiché, moins 10 $, si l’article coûte plus de 10 $.
Chez ce dépanneur Couche-Tard (à gauche) et supermarché IGA Extra (à droite), les affiches obligatoires étaient bien en vue, situées près des caisses comme il se doit. Toutefois, dans d’autres supermarchés et chaînes de dépanneurs que nous ne nommerons pas et une majorité d’indépendants selon notre estimation, ces affiches brillent par leur absence, en contravention à la loi.

Le rabais ne s’applique toutefois pas aux produits suivants (parce qu’ils ont un prix minimum):

  • le lait régulier (et non celui avec un bouchon dévissable);
  • les produits du tabac;
  • la bière, le vin et les spiritueux vendus en épicerie ou dans un dépanneur, si l’application de la politique fait en sorte que le produit serait vendu sous le prix minimal prévu par la loi.
15000 plaintes par année!

Autrement dit, à moins qu’un dépanneur n’étiquette chacun des produits vendus individuellement — ce que personne ne fait — tous les dépanneurs sont tenus d’apposer la fameuse affiche bien en vue, près de chacune des caisses.

Or, vous ne la verrez pas souvent dans un dépanneur, la fameuse petite affiche.

Alors pourquoi n’ont-ils pas plus d’amendes?

En entrevue avec DepQuébec, Gary Frost, directeur du Service à la clientèle à l’OPC, explique comment l’organisme fait appliquer la loi.

« On reçoit 15000 plaintes par année tous secteurs confondus, reliées à des infractions de nature pénale. Selon un certain procédé de mise en priorité, il y a des interventions qui sont faites à partir de ces plaintes. Cependant, il y a tout le volet plus proactif où, année après année, l’Office adopte des plans de surveillance. Selon les secteurs jugés prioritaires, de façon périodique ou cyclique, des inspecteurs peuvent lorsque c’est requis, notamment pour les questions de politique d’exactitude, aller dans les établissements commerciaux pour vérifier le respect des certaines dispositions. – Gary Frost, OPC

Ce pourrait être même beaucoup plus car selon le site web de l’OPC, l’Office a reçu 28896 plaintes de la part du public en 2016-17. L’Office a aussi réalisé 2 653 activités de surveillance et 281 interventions juridiques.

Donc, cela peut arriver qu’un inspecteur se pointe dans un dépanneur et constate des infractions. Mais peut-il émettre une amende?

« Ni les inspecteurs, ni les enquêteurs ne sont habilités à remettre un constat sur le champ. C’est plutôt une approche d’intervention sur les lieux, une première observation qui, dépendamment du commerçant, mènera à un avis d’infraction envoyé au commerçant. L’avis est évidemment aussi, affiché sur le site web de l’office. L’information est donnée au public: telle entreprise a reçu un avis d’infraction relativement à telle infraction et après, s’il y a une plainte subséquente ou un autre programme et une récidive, cela peut prendre le chemin plus judiciarisé des enquêtes judiciaire et possiblement d’une poursuite pénale. » – Gary Frost, OPC

De fait, avant de recourir aux poursuites, l’OPC mise sur une approche graduelle pour donner la chance aux commerçants de corriger les problèmes. Elle fait beaucoup appel notamment aux « engagements volontaires » avec les commerçants où ces derniers s’engagent à rectifier les problèmes.

Comme la réputation est souvent importante dans le commerce de détail, la crainte de voir son commerce apparaître comme étant fautif au registre de commerçants de l’OPC peut être un puissant incitatif à vouloir corriger les choses.

Le dépanneur WCP au 8055 rue Ampère à Montréal a dû payer une amende de près de 3000$ pour n’avoir pas clairement et lisiblement indiqué le prix de vente sur chacun des produits offerts en vente dans l’établissement. L’entreprise ne s’était pas prévalue de l’exemption permise par le règlement d’étiqueter le prix sur chaque produit. L’OPC en a fait un exemple en émettant un communiqué de presse.

Mais face aux commerces récalcitrants, l’Office poursuit. C’est le cas par exemple du dépanneur  W.C.P. (voir communiqué ici) qui s’est vu imposé une amende de près de 3000$ pour manquement à la Politique d’exactitude des prix et pour lequel l’Office a même transmis un communiqué de presse pour bien le faire savoir au grand public.

Une politique pas évidente à comprendre

Il faut dire que la Politique d’exactitude des prix de l’Office pour la protection des consommateurs (OPC) n’est pas évidente à comprendre, à commencer par les consommateurs eux-mêmes.

Qui n’a pas fait l’expérience de faire l’achat d’un produit dont le prix à la tablette était moins cher qu’à la caisse.

Mais tenter d’avoir son 10$ de rabais peut s’avérer toute une aventure.

Car nombreux sont les produits qui en sont exemptés… à commencer par les plus importants dans un dépanneur, soit l’alcool, le tabac et le lait.

Reste qu’il appartient aux dépanneurs de se conformer à la loi et en voici une de plus à ajouter à leur longue liste de règlements à respecter!

« Bon, alors tu me donnes le lien pour télécharger l’affiche? Je vais la poser immédiatement! »… encore une chose entendue souvent cette semaine.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *